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Crise sanitaire : se préparer à l’expansion des maladies

L’excipient du vaccin, qui a pour objectif de stimuler la réponse immunitaire, peut entraîner une réaction locale sur l’animal. Et, il n’est pas recommandé de combiner la vaccination FCO et MHE,

Le manque d’anticipation de la crise sanitaire liée à la FCO et à la MHE est dénoncé par l’ensemble du monde agricole. Au Space, le sujet était sensible malgré la tenue des concours. Même si les vaccins arrivent sur le terrain, un peu au compte-gouttes, la propagation des virus sur l’ensemble du territoire est à prévoir.

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« La baisse de la production, on la voit déjà arriver un peu partout, lance Christophe Maginot, res­ponsable sanitaire à la FNPL (Fédéra­tion nationale des producteurs de lait), le 18 septembre au Space, au sujet de la FCO et de la MHE. Elle peut aller jusqu’à 20 % pour la collecte et cela reste très variable d’une exploitation à l’autre. Tout dépend si les troupeaux sont en bonne santé ou pas. » Car telle est, au fond, la clé face à cette crise sanitaire : la santé des animaux. « Les symptômes cliniques s’expriment d’autant moins que les animaux sont en bonne santé », explique Thierry Le Falher, directeur sanitaire et santé d’Innoval et du GDS Bretagne. Un constat que confirme Christelle Roy, vétérinaire et directrice du GDS Corrèze. « Le système immunitaire utilise deux voies : la voie humorale et la voie cellulaire.

Pour les virus, la voie cellulaire est souvent la plus sollicitée, mais, qu’il s’agisse de fabriquer des cellules ou des anticorps en cas de déficit d’apport ou de déséquilibre alimentaire, l’immunité peine à se constituer. Dans tous les cas, c’est par la voie humorale que la stimulation liée au vaccin va persister », explique-t-elle. D’une certaine façon, cette voie garde la mémoire immunitaire de l’animal qui, reconfronté à un virus, après un vaccin par exemple, réagira beaucoup plus vite. « Or la voie humorale, ce sont avant tout des protéines et, qui dit protéines, dit alimentation ! » souligne-t-elle. Elle alerte sur la piètre qualité des fourrages cette année et insiste sur l’importance de fournir une ration équilibrée – apport en protéines notamment, avec des compléments en minéraux et vitamines.

Veiller à la santé du troupeau par l’alimentation

« La première condition pour résister est d’avoir une alimentation bien calée avant et après le vêlage », poursuit-elle, avant d’évoquer des colostrums de mauvaise qualité et des veaux fragiles, signe d’une alimentation déséquilibrée. « Les virus de la FCO-BTV8 et de la MHE (sérotype 8) ont un passage transplacentaire pouvant provoquer des avortements, des embryons à problème ou des veaux débiles à la naissance », observe-t-elle.

Quantifier les effets réels du passage de ces deux maladies sur le territoire reste encore à faire même si l’ensemble des syndicats agricoles demandent des mesures de prises en charge par l’État. Il s’agit de chiffrer les pertes directes (morts d’animaux) et indirectes (avortements, stérilités temporaires, etc.), qui peuvent arriver de six mois à un an après. Les deux maladies progressent toutes les semaines sur chaque front. « Pas encore chiffrable car c’est trop tôt pour avoir les retours du terrain », reconnaît la FNPL. Pour Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, « l’État ne souhaite plus communiquer car c’est dramatique. L’équarrissage est débordé et les animaux sont enterrés parfois directement. Il n’y a pas assez de vétérinaires pour faire les prélèvements. Ils sont dépassés ». Elle constate « une hausse du nombre d’animaux traités par l’équarrissage en Ariège », région essentiellement ovine, « de près de 480 % ! » Une chose est sûre, la société d’équarrissage Atemax (nord et sud-ouest de la France) a été en difficulté pour évacuer les animaux.

FCO et MHE, les symptômes cliniques de ces deux virus sont proches et seule une sérologie permet de les distinguer. Il est encore trop tôt pour espérer avoir un effet du froid sur la propagation des culicoïdes et certains éleveurs rechignent à rentrer leurs animaux pour vacciner. Il n’y a pas de méthode de lutte antivectorielle miracle contre les culicoïdes. La désinsectisation est un outil complémentaire à la vaccination quand elle est disponible. (© E. Baccus SNGTV)

Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale, dénonce, elle, « un manque de coordination entre l’Anses, la DGAL, les GDS et le ministère de l’Agriculture. C’est la preuve par l’exemple ! Nous sommes structurés de façon tellement éparse que nous n’arrivons même plus à être efficients. L’un ne se prononce pas tant que l’autre ne s’est pas prononcé. Or l’Anses avait bien prévenu du risque de l’arrivée de la FCO-BTV3 sur le territoire ». En élevage laitier, la FCO-BTV3 entraînerait plus de dégâts sur le cheptel, selon les retours du terrain, que la FCO-BTV8 ou la MHE. Tous les syndicats dénoncent un manque d’anticipation de cette crise sanitaire de la part du gouvernement, dans un contexte de « no man’s land politique » depuis des mois, selon Arnaud Rousseau, président de la FNSEA. Et tous veulent des vaccins gratuits, avec une enveloppe pour indemniser les éleveurs, quitte à prendre sur le Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE), déjà activé sur les six premiers mois de l’année. Comme la question de l’indemnisation n’est pas que franco-française, puisque d’autres pays européens sont concernés, le sujet se retrouvera sûrement dans les questions que le nouveau commissaire européen à l’agriculture, Christophe Hansen, nommé le 17 septembre, aura à traiter.

FCO-BTV3, vacciner pour diminuer les symptômes

« L’aide, maintenant, est beaucoup plus dans l’indemnisation des dégâts du fait du manque d’anticipation », souligne Véronique Le Floc’h.

Reste tout de même la question des vaccins. Le tout premier vaccin développé contre la FCO-BTV3 atténue fortement les signes cliniques, mais ne garantit pas la réduction de la virémie, ce qui ne permet pas de l’utiliser pour sécuriser les exportations. Tous les autres vaccins (FCO-BTV8, MHE et derniers vaccins pour la FCO-BTV3) garantissent les deux actions. Christelle Roy est plutôt confiante et considère l’ensemble des vaccins suffisamment « secure » bien que récents. « Le vaccin MHE a été développé en un an alors que le développement usuel d’un vaccin peut prendre quatre à cinq ans », fait-elle observer. De son côté, elle trouve que la réactivité des organisations a été plutôt bonne et regrette que les éleveurs ne vaccinent pas plus systématiquement. « Il est donc absolument recommandé de vacciner », insiste les deux directeurs des GDS.

« Les habitats favorables au développement des immatures (œufs, larves et pupes) des culicoïdes sont les zones humides à gorgées d’eau et riche en matière organique d’origine végétale ou animale », explique GDS France. Les bords de mare, les zones d’ensilage ou de stockage des litières/fumier, les bouses, les zones de passage ou de sur-piétinement en sont de bons exemples. (© P. Le Cann)

Seulement, l’accès aux vaccins n’est pas si simple. Pour le BTV3, la vaccination, sur la base du volontariat, est gratuite dans la zone vaccinale. Plus de 11 millions de doses ont été ainsi commandées par l’État pour couvrir cette zone aussi bien pour les bovins que pour les ovins. Pour le BTV8, les vaccins sont à la charge de l’éleveur « et les fluctuations de prix sont très importantes », relève Christophe Maginot. Christelle Roy explique qu’effectivement « l’Espagne fournissait un vaccin pour les ovins à coût modéré, utilisable aussi en bovin. Seulement, elle-même contaminée, elle garde les doses pour ses éleveurs ». Un autre vaccin, cependant plus cher, est disponible. Elle espère déjà l’arrivée sur le marché d’un vaccin trivalent, avec en une dose les trois sérotypes de FCO, assez rapidement.

Plusieurs vagues de maladies à venir

Quant à la MHE, après avoir refusé la prise en charge du vaccin, l’État annonçait, le 20 septembre, avoir commandé deux millions de doses de vaccins pour un montant de 9 M€, « soit la quantité suffisante pour protéger 1 million de bovins afin de stabiliser la zone indemne ». L’objectif est de créer une zone tampon de 50 km avec des animaux tous vaccinés. En effet, les conditions climatiques cet automne permettent aux culicoïdes, ces insectes vecteurs de la FCO et de la MHE, de continuer à circuler. Les éleveurs vont donc enchaîner « plusieurs vagues de maladies les unes à la suite des autres », selon Claire Garros, entomologiste au Cirad, UMR Astre.

À noter également que les symptômes de la MHE et ceux de la FCO sont très proches (fièvre, amaigrissement, lésions buccales et podales), même si génétiquement les virus sont différents. Seule la PCR permet de les distinguer, laquelle est totalement prise en charge par l’État, déplacement du vétérinaire et prise de sang compris.

Des lésions ulcéreuses sur et à l’entrée des narines avec un jetagemuco-purulent font parties des signes cliniques de la FCO. (© E. Baccus SNGTV)

« Les éleveurs peuvent vacciner eux-mêmes pour protéger leur troupeau », observe Thierry Le Falher, mais l’absence de tampon vétérinaire empêchera la certification nécessaire pour vendre un animal (export ou génétique). Pour Laurence Marandola, « la génétique des animaux qui ont résisté à ces maladies est intéressante. Ils devraient être conservés dans les élevages même s’ils sont en piteux état ». La question est plus complexe selon Christelle Roy : « Il n’y a pas vraiment d’explication majeure sur le fait qu’un animal soit plus atteint qu’un autre. La génétique de l’immunité existe bel et bien mais nous n’avons aucune idée du coefficient d’héritabilité pour ce type de caractère. Et puis, dans les pays qui ont appris à vivre avec ces maladies, des résurgences du virus tous les quatre à cinq ans sont observées. »

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